Les amandiers oubliés du Portugal

Au Portugal, les amandiers occupent les cœurs, mais leurs fruits viennent d’ailleurs. Une émission de Radio France, le 27/11/2024 Dans son texte Les Amandiers de mon pays, l’écrivaine portugaise Lídia Jorge nous retrace le gouffre aberrant qui sépare le paysage de son pays de ce qui se trouve dans les assiettes. Dans la grammaire de…


Au Portugal, les amandiers occupent les cœurs, mais leurs fruits viennent d’ailleurs.

Une émission de Radio France, le 27/11/2024

Dans son texte Les Amandiers de mon pays, l’écrivaine portugaise Lídia Jorge nous retrace le gouffre aberrant qui sépare le paysage de son pays de ce qui se trouve dans les assiettes.

Dans la grammaire de la langue portugaise, presque tous les arbres sont féminins. Mais le plus féminin de tous est sans doute l’amandier. Jusqu’à récemment, dans le sud du Portugal, de vastes pentes en étaient couvertes. Elles fleurissaient entre janvier et février. À cette époque, le paysage était submergé sous un océan de fleurs. Les enfants les mangeaient. J’ai encore le goût amer et doux de ses pétales sur mes lèvres. Mais aujourd’hui, les plantations d’amandiers de l’Algarve sont en train de mourir. Il y a des explications à cela. L’agriculture traditionnelle respectait les fines racines à la surface de la terre, tandis que le travail du sol mécanique laboure de manière égale les racines superficielles et les racines verticales. On dit que l’amandier est délicat et n’aime pas la culture mécanique. Mais la raison principale est différente : c’est que plus personne ne récolte les fruits.

L’automne arrive et les amandes, suspendues aux branches dépourvues de feuilles, s’accrochent aux rabats tout l’hiver, empêchant la nouvelle floraison. L’apparence est désolée. Un agriculteur, exprimant sa tristesse, a déclaré qu’en hiver, les amandiers semblent couverts de lentes. Ainsi, en moins de dix ans, un bosquet d’amandiers se transforme en un tas d’arbres secs.

Et pourtant, les amandes ne manquent pas dans les rayons des supermarchés. Elles viennent de loin. De la Turquie aux États-Unis d’Amérique. La Californie, à elle seule, couvre quatre-vingts pour cent du stock commercial mondial. Mais une fois les colis ouverts, elles sont jaunes, rances. Elles ont traversé les airs et les mers. Longs trajets, beaucoup de carburant, prix en bourse. Je trouve ça drôle que les gens parlent d’empreinte écologique. Tant de rencontres, tant d’accords, tant de traités. Tant de mensonges. Si vous voulez parler sérieusement de l’empreinte écologique, écoutez comment une partie de celle-ci pourrait être anéantie, écoutez comment sont détruits les amandiers de mon pays.


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